Je me suis demandé si je pouvais évoquer un film sur ce
blog intitulé « dans mes livres… »
Mais je préfère le désordre à l’ordre. Ca met un peu de
poésie dans ce monde ! Le désordre me permet de petites joies comme retrouver
une carte postale dans une pile de livres, une paire de chaussettes égarée dans
un panier, un foulard parmi les écharpes…Disons que ce film-là est l’écharpe. Une
écharpe de soie. De soi.
Une scène: Jean-Louis Trintignant se rase dans la salle de bain. Comme se rasent
les vieux messieurs, précautionneusement, au rasoir électrique. Sa femme, Emmanuelle Riva,
alitée depuis des attaques cérébrales qui l’ont diminuée physiquement et
mentalement crie « mal…mal… » Litanie implorante. JLT, se précipite dans la chambre, lui demande où
elle a mal. ER continue de moduler « mal…mal… » JLT prend doucement sa
main valide dans les siennes et tout en la caressant très lentement, commence à raconter une histoire qui lui est
arrivée petit, lorsqu’il était parti en colonie, loin de sa mère.
On se demande alors où a-t-elle si mal,
pourquoi ne s’inquiète-t-il pas ? Pourquoi ne lui donne-t-il pas un
analgésique ? … mais il continue, au-delà de la plainte lancinante… « mal…mal… »
à raconter son histoire. Celle d’un petit garçon seul, que l’on force à manger le
riz au lait et qui souffre de l’absence de sa mère. Avec elle,
avant son départ, il avait convenu d’un
code : si tout se passait bien pour lui, il lui enverrait une carte couverte
de fleurs, s’il allait mal, une carte emplie d’étoiles. Il envoie donc cette
dernière. La mère arrive à la colonie. Mais entre temps le petit a été mis en
quarantaine à l’hôpital pour cause de diphtérie.
Au fil de cette histoire
racontée par JLT, les plaintes se font plus douces , s’atténuent puis se
taisent tout à fait.
Très doucement, et pardon pour ceux qui n’ont pas encore vu
le film, il tire vers lui un oreiller et le plaque sur le visage apaisé de sa
femme endormie.
Ainsi va le langage : un seul mot pour dire sa terreur, des paroles pour adoucir, un code pour passer un message, une mère séparée de son fils par les épaisses vitres de la quarantaine...
Au-delà de tous les
bruits qui alentour, brouillent nos échanges... Cet emboîtement m’a bouleversée.
Certaines scènes au cinéma sont comme de jolies
boîtes de verre encastrées les unes dans les autres. On perçoit mieux le petit
scarabée inclus dans la dernière d’entre elles.
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