Hier matin, rue des livres, j’ai rencontré Bernard Minier, auteur de ce formidable thriller « Glacé ».
Un livre découvert au hasard d’une émission radio, dont le titre noté à la hâte sur mon calepin s’était modifié en « Givré » (lapsus sans doute dû au fait que j’avais perçu dans la critique radiophonique , l’omniprésence d'un hôpital psychiatrique)… livre lu , -que dis-je- dévoré, car on ne peut le lâcher avant la dernière ligne, puis prêté, re-prêté, et qui continue actuellement sa vie de livre prêté….
Bernard Minier a répondu à mes questions avec beaucoup de gentillesse. Je n'avais ni calepin, ni enregistreur, je fais donc appel à ma mémoire pour retranscrire aussi fidèlement que possible cet échange.
Comment est né cet
univers très particulier : la vallée, la colonie de vacances abandonnée, l’hôpital
psychiatrique…
J’aime cette idée de commencer mes livres par des cartes
géographiques : situer les lieux imaginaires, un peu comme dans les livres
d’enfants qui s’ouvrent sur une carte aux trésors... Dans « Glacé », il y a cette vallée qui existe effectivement! Le centre de
vacances, je l’ai découvert par hasard lors d’une promenade : des
bâtiments vides dans un paysage de neige…Très inspirant ! La centrale électrique…Et
puis j’ai rassemblé ces lieux, je les ai rapprochés sur une même carte, pour
créer ce microcosme, comme une marmite sur laquelle on pose le couvercle. Et on
attend. On voit ce qui se passe….
Vous l’avez porté en
vous,longtemps ce roman ? Comment cela s’est-il décanté ?
Oui, cette histoire a mûri longtemps, plusieurs années. J’ai
d’abord écrit les soixante premières pages. ..Quand on écrit une histoire, on y
pense tout le temps... On prend sa douche, on y pense... On mange, on y pense....Vous
savez j’écris depuis l’âge de dix ans, je n’ai jamais cessé d’écrire, un
journal, de la philosophie, des romans... J’ai longtemps participé à des concours de nouvelles .
Une rencontre. Lors de ces concours de nouvelles, justement.
Quelqu’un, un participant comme moi, m’a
encouragé à continuer l’histoire, à l’envoyer.
Pourquoi n’avez-vous
pas souhaité , plus tôt, être publié ?
Je ne voulais pas ajouter des écrits qui me semblaient médiocres,
à ce qui était déjà publié. Il y a
beaucoup de livres publiés, qui sont... Je ne veux pas me comparer à Kafka, loin
de moi cette prétention, mais … Kafka ne voulait pas être publié, il voulait
même que tout ses écrits soient brûlés. C’est Max Brod qui, contrairement à ses dernières
volontés, a fait en sorte qu’il soit publié. Vous savez on pense toujours qu’on va réussir
le livre parfait...Je n’étais sans doute pas satisfait. J’ai des multitudes de cartons emplis de
manuscrits que je ne retravaillerai plus parce que maintenant il est trop tard…Mais ce livre "Glacé", je l'ai envoyé par la poste à des éditeurs. Je ne connaissais personne dans l'édition. C'est la preuve qu'ils lisent ce qu'on leur envoie contrairement à ce qu'on dit!
Quels sont vos rituels
d’écrivain, comment écrivez-vous, quand ?
Oh des rituels, non, des habitudes plutôt... J’écris tôt le
matin. Je me lève. J’allume la cafetière et j’écris. Huit heures par jour, 7
jours sur 7. Il faut une certaine discipline. Je fais une pause déjeuner, puis
je continue d’écrire jusqu’au milieu de l’après-midi. Certains écrivent le
soir. Moi je ne peux pas. Je suis un écrivain du matin.
Quel est le livre qui
vous a bouleversé, que vous avez particulièrement aimé ?
Maintenant je relis plus que je ne lis. Pour un livre lu j’en relis trois… J’ai relu dernièrement « Tokyo » de Mo Hayder pour lequel elle a reçu le Grand prix des lectrices de Elle 2006. Quand je l’ai lu la première fois, j’ai pris une claque. Parce qu’elle va très loin. Pas seulement dans l’histoire, mais dans l’écriture. C’est très écrit. Hé bien quand j’ai relu « Tokyo », j’ai repris la même claque que la première fois !
Oh merci Bernard Minier d’avoir si aimablement répondu à mes
petites questions ! J’en avais d’autres
bien-sûr… mais le temps passe si vite et les lecteurs arrivaient pour se faire
dédicacer « le cercle » votre dernier livre.
De retour à la maison, en cherchant du côté de Kafka (les polars mènent à tout , y compris la philo !)
j’ai trouvé cet extrait issu d’une
lettre destinée à son ami Oskar Pollak:
« Un livre doit être la hache qui fend la mer gelée en nous ; voilà ce que je crois ».
Et quelques lignes plus haut il annonçait :
« Si le livre que nous lisons ne nous réveille pas d'un coup de poing sur le crâne, à quoi bon le lire ? »
Franchement c’est tout le mal que je nous souhaite : recevoir des coups de poing sur le crâne et se faire hacher menus par nos lectures !