samedi 30 août 2014

le bleu de la nuit

De Joan DIDION, j'ai lu "L'année de la pensée magique", écrit suite au décès de son mari, l'écrivain John G. Dunne,  écroulé sur la table du dîner, terrassé par une crise cardiaque, à la fin de l'année 2003.
 Joan Didion journaliste et romancière américaine a construit ce livre un peu comme une enquête au pays du deuil, de la perte de l'être cher et est allée fouiller du côté de la psychanalyse, la bible, la poésie, la sociologie, la médecine pour trouver des réponses... Mais Joan Didion reste désemparée, paralysée, absente, lasse, revivant inlassablement les derniers instants, l'hospitalisation, les diagnostics, les dates, les paroles dites et échangées, reprenant le fil à rebours comme si cette pensée pouvait par son évocation faire revivre l'être aimé et perdu.
 « Nous devons nous défaire des morts, les laisser partir, les laisser devenir la photo sur la table de chevet. »
Le chemin est long et tortueux vers l'apaisement.

Mais, comme c'est bizarre! Je voulais vous parler d'un livre et voilà que je vous parle d'un autre!

"Le bleu de la nuit", donc,  est un livre-hommage à la fille de Joan Didion et John Gregory Dunne, Quintana, décédée peu après son père, à l'époque où paraissait "L'année de la pensée magique". 
Joan Didion est dans ce livre, au-delà des questions, au-delà de la recherche de l'apaisement, elle sait qu'elle est maintenant seule, qu'elle affrontera sa vieillesse et sa propre mort seule. 
Ce livre est comme le précédent bouleversant. L'auteur n'est pas dans l'apitoiement, elle est sidérée. C'est un livre de répétitions, un peu comme des mantras, des comptines, des refrains qui scanderaient l'absence. Joan Didion retourne dans le passé, évoque l'adoption de Quintana, le choix de son prénom, son cauchemar de l'homme cassé,ses vêtements de petite fille dans les moindres détails, les dents de lait, l'école, les maisons en bord de plage, les cheveux blonds blanchis par le soleil, plus tard son mariage avec les stéphanotis et les Louboutins aux semelles rouges, puis sa maladie.
Elle cite Euripide "Est-il malheur plus grand pour les mortels que de voir mourir leurs enfants?" 
En effet, est-il malheur plus grand? 

poème de Quintana, petite fille:

LE
MONDE

Le monde
N'a rien
Que le matin
Et la nuit
Il n'a ni
Jour ni repas
Ainsi ce monde
Est pauvre et désertée.
C'est une
Espèce
D'ïle avec
Seulement trois
Maisons dessus
Dans ces
Familles se trouvent
2,1,2 personnes
Dans chaque maison 
Ainsi 2,1,2 ne font
Que 5 personnes
Sur cette
Ile
 poème écrit sur une bande de papier cartonné avec une faute d'orthographe. une seule.
"[Writing] forces you to think. It forces you to work the thing through. Nothing comes to us out of the blue, very easily, you know. So if you want to understand what you're thinking, you kind of have to work it through and write it. And the only way to work it through, for me, is to write it."

Joan Didion from an interview in The Believer

2 commentaires:

  1. J'arrive de chez Otir et je viens de parcourir les archives, beaucoup de goûts communs et aussi de découvertes, je reviendrai.
    mab

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