mardi 18 août 2015

Echenoz

"14"
Pas de pathos, pas de dialogues, pas le temps de s'attacher aux personnages, la guerre fait son carnage, Echenoz est sur le fil.
Parfois, la trame du documentaire affleure: les 35kgs du barda, les escouades-compagnies-régiment-d'infanterie, les brigades et matricules, la couleur des pantalons, les reflets des casques et des gamelles...

                                                           photo de Roland Allard

Mais l'écriture...

L'écriture élégante d'Echenoz, sa façon sèche et détournée d'aller à l'essentiel.
Les premières pages sont grandioses: décrire le tocsin qui sonne le début de la guerre avec pour seul repère la vision des cloches qui oblitèrent en cadence les fenêtres des beffrois...bien avant que ne parvienne le bruit, "le son grave, menaçant, lourd" par-delà les champs...
L'image avant le son. Quelle beauté!
Les dernières lignes sont le point d'orgue de ce roman: à cause de la guerre, dans la guerre, après la guerre, les hommes sont détruits et dé-saisis de toute émotion, de tout sentiment humain. Alors ils "s'accouplent" et "ensemencent", "un enfant mâle" naît. Pas un garçon, pas un bébé, un mâle(qui ira faire la guerre suivante?)

Si Bernard Minier (article précédent) scande les meurtres de son roman avec des airs d'opéras, ici Echenoz l'évacue en quelques lignes:
"Tout cela ayant été décrit mille fois, peut-être n'est-il pas la peine de s'attarder encore sur cet opéra sordide et puant.Peut-être n'est-il d'ailleurs pas bien utile non  plus, ni très pertinent, de comparer la guerre à un opéra, d'autant moins quand on n'aime pas l'opéra, même si comme lui c'est grandiose, emphatique, excessif, plein de longueurs pénibles , comme lui cela fait beaucoup de bruit et souvent à la longue, c'est assez ennuyeux."
Subtil Echenoz qui nous laisse en plan avec tout ça, pour élaborer seuls, notre réflexion. Et nous refermons ce livre avec effroi, mais l'air songeur...

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